L’Arte Povera :
La richesse de l’art pauvre

HISTOIRE DE L'ART

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Cyrielle Bisson - 15 Août 2019

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Mario Merz, Che fare ?, 1969

Sculpture sur la recherche de matériaux créatifs de l’artiste mais également son rôle dans la société. 

Apparu dans les années 60, l’Arte Povera nourrit la volonté d’artistes italiens de s’opposer à l’américanisation du monde. En revendiquant l’art comme un retour aux sources, le mouvement italien tourne la pauvreté des matériaux et des techniques utilisées en une véritable richesse.

• • • UN PEU D'HISTOIRE

Le mouvement italien voit le jour dans un contexte de bouleversements à l’échelle européenne. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Italie sort du conflit ruinée et considérablement affaiblie. Comparé aux sociétés occidentales en pleine mutation, le pays se rend alors compte de son retard notamment dans le domaine économique.

Au même moment, les États-Unis mettent en place le plan Marshall, c’est à dire le programme de rétablissement européen. L’Italie y voit alors une chance de redresser l’économie du pays, mais également de palier à son retard de développement par rapport à l’Europe.

Le pays s’ouvre alors à la modernité, distance progressivement les institutions et les valeurs traditionnelles qui lui étaient chères (la famille ou la religion), au profit d’une ascension sociale et économique basée sur le modèle américain. C’est contre le bouleversement de cette manière de vivre liée à l’american way of life que s’opposent les artistes de l’Arte Povera.

• • • L'ARTE POVERA COMME UN RETOUR AUX SOURCES

L’expression « arte povera » est inventée par Germano Celant, une des figures principales du mouvement lors de l'exposition « Art Habitable » (Turin, 1966). Cette exposition marque le point de départ du mouvement italien, caractérisé par la pauvreté de ses matériaux et des techniques utilisées.

Loin d’être péjoratif, le principe de pauvreté prime dans les œuvres, lesquelles sont majoritairement des sculptures ou des installations. Il n’est en effet pas question d’admirer la technique utilisée, la peinture, ou les dégradés de couleurs. L’Arte Povera se suffit à lui-même et ne veut aucun matériau transformé. Les matériaux utilisés, c’est à dire la pierre, les objets végétaux et les fruits et légumes, brillent de simplicité, et s’opposent donc nettement à l’empreinte de l’homme sur l’art. Cette simplicité s’oppose également à la production de masse et plus amplement à l’opulence et la sophistication de l’american way of life sur l’Italie.

Enfin, le retour aux sources du mouvement prend le pli écologique du lien avec la nature, de la cohésion entre l’homme et celle-ci, mais également au temps qui passe et qui prime sur l’homme.

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Marisa Merz, Living Structures, 1966

L’œuvre représente la capacité des textiles et des matériaux à disparaître devant l’organique, comme une manière de détourner et poétiser la consommation.

••• LES PRINCIPALES OEUVRES DE L'ARTE POVERA

A la suite de Celant, onze autres artistes intègrent le mouvement et réalisent des œuvres phares.

• GIOVANNI ANSELMO

Giovanni Anselmo est l’artiste qui a le plus de succès, notamment de par ses recherches sur la mise en scène avec des moyens très pauvres.

Son œuvre la plus emblématique, "les 24 heures de la vie d'une salade", est une installation réalisée en 1968 avec uniquement du granit, une laitue, et du fil de cuivre. Dans cette œuvre Anselmo veut «laisser respirer la matière», tout en montrant le primat de la pierre et de l’organique sur l’homme.

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Giovanni Anselmo, structure qui mange, 1968

• MICHELANGELO PISTOLETTO

Michelangelo Pistoletto, est quant à lui connu pour ses œuvres incluant des matériaux bruts comme les miroirs, les briques ou les chutes de tissus.

Son œuvre est également caractérisée par ses moulages et sculptures avec des chiffons, comme sa "Vénus aux chiffons" revisitée en 1967. L’artiste détourne ici le symbole culturel et l’altère d’un monceau de vêtements, emblème de la consommation de masse.

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Michelangelo Pistoletto, Vénus aux chiffons, 1967

• KOUNELLIS 

Au-delà des mots et des symboles culturels d’une société qui change, l’artiste Kounellis revient à l’immédiateté des émotions et des sensations.

Avec cette plaque de métal ornée d’une tresse de cheveux, réalisée en 1969, Kounellis développe une mise en scène simple doublée d’une invitation au sens primaire du toucher. Son installation est perçue comme une manière de montrer l’importance de la poésie et de l’indicible au sein d’une société de plus en plus moderne.

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Kounellis, Senza Titolo, 1969 

• PINO PASCALI

Loin d’être pauvre en signification, l’Arte Povera pousse à la réflexion de par sa simplicité. En travaillant avec la terre, le sculpteur Pino Pascali pousse le spectateur à sortir des clichés de la beauté esthétique.

Réalisée en 1967, son œuvre « un mètre cube de terre » questionne ce matériau brut par excellence et son lien essentiel à la vie, sans ornements et sans artifices. 

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Pino Pascali, Un mètre cube de terre, 1967

 ••• L’ARTE POVERA, DES ANNEES 60 A NOS JOURS 

En détournant les codes de l’art figuratif classique l’Arte Povera affirme l'importance du geste créateur plus que de l'objet fini, raison pour laquelle les œuvres échappent aux collectionneurs et à l’industrie culturelle des années 60. Au sein d’une société basée sur l’acquisition de bien et la consommation, c’est une véritable révolution. L’utilisation de matériaux éphémères éloigne en effet volontairement les œuvres de l’Arte Povera des salles de vente et plus généralement du marché de l’art classique. Cette indépendance artistique prend cependant fin au milieu des années 1970, lorsque nombre des artistes du groupe bifurquent vers des démarches individuelles.

De nos jours le mouvement italien continue d’inspirer de nombreux artistes, notamment par ses matériaux simples et ses mises en scène épurées. En Juillet 2019 l’artiste Manish Nai expose à la Galerie Karsten Greve à Paris ses œuvres, à la frontière du tableau et de la sculpture. A la manière de l’Arte Povera, le plasticien nourrit une réflexion philosophique, mise en scène par des œuvres hybrides faites de bois, de tissus, ou encore de pierre.


Bien loin de l’art figuratif, l’Arte Povera marque l’histoire de l’art pour son avant-gardisme et la signification de ses œuvres… même avec les matériaux les plus simples. 


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