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Céline Frébault : l’art de la répétition et du minimalisme

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Mathilde Basse - 13 Novembre 2025

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Artiste peintre abstraite basée à Paris, Céline Frébault a développé une pratique artistique unique centrée sur la répétition minutieuse et le minimalisme. Après dix ans dans la publicité et la création de son studio de design graphique, elle revient à la peinture en 2020 avec une approche méditative qui transforme le papier Japon en support d'expression intime. 

Découvrez le parcours et l'univers de cette artiste qui fait de chaque marque une empreinte unique.

• • • Du design graphique à la peinture abstraite : un parcours singulier
Des racines familiales à la formation académique

Céline Frébault s'est tournée vers l'art très tôt, influencée par sa mère évoluant dans le milieu artistique. "Vers l'âge de 14-15 ans, elle m'a emmenée aux portes ouvertes d'Olivier De Serres. Et là, ça a été une vraie découverte pour moi".
Cette révélation la conduit à intégrer une école d'art après le baccalauréat, posant les premières pierres d'un parcours qui oscillera entre création graphique et expression picturale.

École d’art Olivier de Serres

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Parmi ses souvenirs de formation, un cours de graphisme pur marque particulièrement son approche : "On travaillait au Rotring, on composait des visuels en faisant des petits points". Le Rotring est un stylo technique de précision qui permet de tracer des lignes d'une finesse remarquable, outil emblématique du graphisme traditionnel. Cette pratique minutieuse du point trouve aujourd'hui une résonance directe dans sa technique d'empreintes répétées.

Stylo Rotring

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L'expérience professionnelle : de la publicité au Studio de Design

Après l'école d'art, Céline Frébault entre dans le monde de la publicité où elle exerce pendant dix ans comme directrice artistique. "La direction artistique, c'est un peu comme être un chef d'orchestre. Nous, on fait juste la création et après on fait appel à des talents divers comme un illustrateur, un photographe, un réalisateur", explique-t-elle.



Cette position de coordination, bien qu'enrichissante, ne comble pas son besoin de créativité directe. Elle fonde alors son propre studio de design graphique, travaillant avec une clientèle hétéroclite sur des projets print : brochures, plaquettes, cartes de visite, cartes de vœux. "Ce que j'aime énormément, c'est le travail du papier", confie l'artiste, révélant déjà sa fascination pour ce matériau qui deviendra le support privilégié de ses œuvres.

 “ Petites Traces No.2, 2022 ” de Céline Frébault

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• • • Le retour à la peinture : une nécessité intérieure 
2020 : l'année du renouveau artistique

En 2020, parallèlement à son activité de studio graphique qu'elle poursuit, Céline Frébault ressent le besoin de revenir à la peinture. "Ça faisait très longtemps que j'avais envie de faire avec mes mains. Et puis, faire des choses personnelles, qui viennent du cœur", explique-t-elle. Cette envie marque un tournant décisif : elle s'affranchit des contraintes clients pour se consacrer à une création libre et profondément personnelle.

Le papier s'impose naturellement comme support. Cette familiarité acquise durant ses années de design graphique facilite cette ouverture vers une pratique plus personnelle et introspective, qui vient enrichir son activité professionnelle sans la remplacer.

 “ Traces No.12, 2022 “ et “ Traces No.13, 2023 “ de Céline Frébault

Le confinement : catalyseur de la répétition

Le confinement de 2020 devient le moment fondateur de sa recherche artistique sur la répétition. Pendant ce temps long qui lui est accordé, Céline prend le temps d'observer ce qu'elle avait complètement oublié de faire et ce que, selon elle, beaucoup de gens oublient de faire aujourd'hui.

C'est en regardant par sa fenêtre qu'elle découvre la beauté de la différence dans la répétition. Elle observe ces journées d'enfermement qui se répètent et réalise que, malgré tout, chacune a quelque chose de différent. "Et c'est ça que j'ai voulu retranscrire sur le papier", explique-t-elle. Chaque touche devient ainsi unique, comme ces journées qui, observées attentivement, révèlent leur singularité.

Empreintes No.4, 2020 et Empreintes No.6, 2022 de Céline Frébault

L'observation de la nature pendant cette période renforce cette prise de conscience. Lors de ses sorties autorisées, elle redécouvre son environnement : la nature, les arbres, les marronniers de son quartier qui se mettent en fleurs. "J'ai été subjuguée", se souvient-elle. Cette redécouverte du quotidien nourrit profondément sa démarche artistique.

• • • Une technique unique : la gestuelle de l'empreinte
Entre maîtrise et lâcher-prise : une gestuelle méditative

La technique de Céline Frébault repose sur une gestuelle minutieuse et répétitive qui surprend souvent son public. "Certains pensent que je travaille avec un pochoir ou un tampon, mais pas du tout. Je travaille avec des pinceaux", précise-t-elle. Le processus s'apparente à une méditation : "Au début, c'est toujours long à se mettre en place. Mais une fois que c'est parti, je suis complètement dans mon monde, dans ma concentration, totalement déconnectée. C'est vraiment super agréable". Cette dimension méditative rappelle les pratiques artistiques orientales où le geste répété devient une forme de contemplation active. 
                                                                                               
Céline Frébault une de ses créations

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Paradoxalement, malgré cette précision gestuelle, l'artiste ne maîtrise pas entièrement le résultat final. Elle ne sait jamais ce que l'œuvre donnera au départ et la découvre vraiment à la fin. Elle peut contrôler la gestuelle, avec un geste très lent, la pression qu'elle exerce, l'angle du pinceau et la charge de peinture. En revanche, la trace finale lui échappe totalement : elle dépend du reste de peinture et de l’usure des poils qui marquent sur le papier.

Cette part d'imprévisibilité est essentielle. Chaque marque est unique, façonnée par la pression exercée. Le pinceau évolue constamment au fil du travail : "Au début, il est sec et les poils marquent peu. Puis il se charge de peinture et laisse des traces plus intenses. Enfin, la peinture commence à sécher sur le pinceau, ce qui crée à nouveau des marques différentes".

• • • Le papier Japon : partie intégrante de l’oeuvre d’art

Le papier Japon et le papier coréen sont devenus les supports privilégiés de Céline Frébault. "Ces papiers sont fabriqués de façon artisanale à partir de fibres de mûrier à papier qui possède les fibres les plus longues. Ils durent dans le temps, ils ne craignent pas les UV, ils sont très résistants” détaille-t-elle. Mais au-delà de ces qualités techniques, c'est leur esthétique qui la séduit : "Ils ont un rendu esthétique que je trouve sublime et ils sont très agréables à travailler ".

                                                                                               
Atelier de création de papier Japon

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Pour l'artiste, le papier n'est pas un simple support passif : "Le papier fait partie intégrante de l'œuvre. Il vient la faire vivre. Quand je l'humidifie avec la peinture, il gondole, il se marque, se froisse. Ces plis, ces marques s'écrivent et le papier raconte déjà une histoire".

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Papier Japon

La fabrication artisanale du papier Japon résonne profondément avec le processus créatif de Céline. Cette fabrication demande un temps long : des écorces sont récoltées à une période donnée de l'année. Elle y voit un parallèle avec sa propre démarche : tout un parcours précède la création du papier, comme celui qu'elle traverse dans sa peinture. Ce temps long dans la construction du papier fait écho au temps long de la construction de l'œuvre. Elle aime beaucoup ce lien.

Cette connexion entre le matériau et le processus créatif témoigne d'une approche holistique de l'art, où chaque élément contribue au sens de l'œuvre finale.

• • • Matériaux et couleurs : une palette réfléchie

Le choix des matériaux chez Céline Frébault n'est jamais anodin. Initialement attirée par l'acrylique, elle s'en détourne rapidement : "Ce qui me gêne dans l'acrylique, c'est qu'elle brille. Je trouvais que ça n'allait pas avec le papier. Du coup je me suis tournée vers la gouache".

Elle travaille désormais principalement avec la gouache et la peinture vinylique, toutes deux mates : "La gouache est plus claire, la vinylique est plus condensée en pigment donc elle a un noir plus profond. En fonction, j'utilise l'un ou l'autre".


Le pastel à l'huile vient compléter cette palette. "Le pastel gras laisse une texture très belle et s'accroche vraiment à la fibre du papier", explique-t-elle. Elle l'utilise particulièrement pour tirer la matière, créant ainsi des variations de textures dans ses compositions.
L'application des matériaux suit un ordre précis : le pastel est posé en premier, avant d'être fixé. Le fixatif apporte une couche supplémentaire qui modifie légèrement le rendu.
La pose du pastel la contraint parfois à modifier son rythme, créant des "accidents" qu'elle seule perçoit : "Au final, ça crée une erreur qui me plaît. J'aime bien ce côté imprévisible".

 “ Traces No.10, 2022 ”de Céline Frébault

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• • • Noir et blanc : une esthétique minimaliste en résonance 
Abstraction et minimalisme

Céline Frébault définit son travail comme "des œuvres abstraites minimalistes allant à l'essentiel ". Cette approche épurée s'inscrit dans une tradition du minimalisme tout en y apportant une dimension personnelle et méditative.

Le noir et blanc dominent naturellement son travail. Cette prédilection remonte à son enfance, nourrie par des découvertes marquantes : les cartes de Keith Haring rapportées de New York par sa mère quand elle avait 12 ans, les visites à la grotte de Dubuffet où l'on marchait pieds nus sur l'œuvre. " C'était que du noir et blanc. C'est le trait qui m'a toujours attiré ", confie-t-elle.

Une résonance musicale






Quand on lui demande quelle musique incarnerait ses œuvres, Céline répond sans hésiter : le piano. Sans être musicienne, elle ressent une affinité profonde avec cet instrument. "Je ne sais pas si ce sont les touches noires et blanches, si c'est le son, la composition, mais à chaque fois ça me fait penser au piano".


“ Empreintes No.5, 2021 ” de Céline Frébault

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Elle évoque un morceau particulièrement révélateur :

"On entendait la note mais aussi le son de la touche sur le bois. Par rapport à moi avec le papier, il y avait une résonance qui me plaisait. On entend le son, mais aussi le son de l'instrument en soi". Cette analogie révèle la dimension sonore et rythmique de son travail pictural.

• • • La série "Empreintes" : une écriture intime
Naissance d'une série emblématique

La série "Empreintes" naît directement du confinement et de l'observation du quotidien. Pour Céline Frébault, ces empreintes répondent à un besoin viscéral : celui de retranscrire ces journées d'enfermement, de s'exprimer face à cette expérience collective.

Cette série incarne parfaitement son approche artistique : la beauté de la différence dans la répétition. "Quand on regarde de plus près, on voit que chaque touche est différente et unique, comme ces journées le sont quand on prend le temps de les observer", souligne-t-elle.

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“ Empreintes No.7, 2022 ” de Céline Frébault

Pour l'artiste, cette série représente bien plus qu'une simple exploration formelle. "C'est comme une écriture, un moyen de m'exprimer sur ce long moment d'enfermement", confie-t-elle. Cette dimension intime rapproche son travail d'un journal visuel, où chaque empreinte devient une notation du temps qui passe. La répétition n'est donc pas monotonie mais variation subtile, témoignage de la richesse cachée dans l'apparente uniformité du quotidien.

• • • L’atelier et les rituels de création

L'organisation de l'atelier est cruciale pour Céline Frébault. Elle a besoin d'espace, mais surtout d'un espace parfaitement rangé, car elle travaille à l'horizontale sur une grande table autour de laquelle elle doit pouvoir circuler librement.

Cette mobilité est essentielle à sa technique. Sa gestuelle peut venir de toutes les directions : gauche, droite, haut, bas. Le travail à l'horizontale n'est pas une simple préférence mais une nécessité : elle attaque parfois le haut et le bas simultanément, laissant les deux parties se rejoindre progressivement.

Le soir est le moment privilégié de Céline pour créer. "La vie commence à se calmer et le rythme ralentit, c'est très agréable", confie-t-elle. Si le matin offre une sensation similaire avec la lumière, la vie s'active rapidement, alors que le soir promet la tranquillité d'une partie de la nuit.

L'ambiance sonore varie selon ses états intérieurs : elle a souvent besoin de calme et de silence, mais parfois elle se met de la musique et se lance sur le tempo de ce qu'elle entend. Cette flexibilité témoigne d'une pratique qui s'adapte aux humeurs de l'artiste.

• • • Inspirations et influences
Pierre Soulages : une référence majeure

Parmi les artistes qui ont marqué Céline Frébault, Pierre Soulages occupe une place centrale. Le noir, le blanc, la lumière : tout chez ce peintre l'a profondément touchée. “ Encore aujourd’hui, quand je fais des expos, il m’arrive d’être attiré par une œuvre et je me dis 'Ah c'est trop beau', je m'approche et c'est Soulages. Il y a toujours quelque chose qui me ramène à lui ", raconte-t-elle.

Oeuvres de Pierre Soulages

Elle se souvient d'une exposition déterminante : la grande rétrospective à Beaubourg où elle a pu voir énormément d'œuvres en vrai. "Sur catalogue ça ne rend rien, mais en vrai c'est incroyable. L'esthétique, la texture". Cette expérience souligne l'importance de la matérialité dans l'art abstrait, une dimension centrale dans son propre travail.

Sources d'inspiration quotidiennes

Au-delà des références artistiques, Céline puise son inspiration dans plusieurs sources. Le graphisme reste une constante, avec de nombreux livres de graphisme et de photographie chez elle. Les voyages et la nature, qu'elle redécouvre et observe de façon plus précise, nourrissent également sa créativité.

Cette attention renouvelée au quotidien, née du confinement, continue d'enrichir sa pratique. Aujourd'hui, quand elle marche dans la rue, elle change parfois de trottoir pour voir les choses sous un autre angle. "On regarde l'immeuble d'en face et on se dit 'Ah mais je n'avais jamais remarqué'"explique-t-elle. Ces petites choses du quotidien, qui ont complètement disparu de notre perception habituelle, deviennent des sources d'émerveillement.

• • • Sa collaboration avec The Art Cycle

Céline Frébault a commencé à travailler avec The Art Cycle en février 2025. Cette collaboration lui a permis de sortir de son cercle privé et de toucher un public plus large. Elle apprécie particulièrement les expositions qui lui permettent de rencontrer d'autres artistes, des collectionneurs et des acheteurs.

La location d'œuvres, dimension innovante de cette collaboration, l'enthousiasme également. "Je trouve ça très intéressant de pouvoir faire profiter de ces œuvres à des entreprises", explique-t-elle. 

• • • Son univers artistique en trois mots

Esthétique, texture, minimalisme

• • • Mot de la fin

Le parcours de Céline Frébault témoigne d'une quête artistique où chaque expérience a nourri sa pratique actuelle. Du Rotring au pinceau, de la publicité au papier Japon, elle a transformé ses influences en un langage pictural unique.

Son travail nous rappelle qu'observer le monde avec attention révèle une richesse insoupçonnée. Dans chaque jour qui semble identique, dans chaque geste qui se répète, réside une singularité. Sur papier Japon, elle compose des partitions visuelles où le noir et le blanc dialoguent comme les touches d'un piano.

Influencée par Pierre Soulages, Keith Haring et Jean Dubuffet, Céline a trouvé sa propre voix : celle d'une artiste qui transforme le quotidien en poésie abstraite, le temps qui passe en empreintes délicates. Sa collaboration avec The Art Cycle permet désormais à son travail contemplatif de s'inscrire dans des espaces variés, invitant chacun à ralentir et à redécouvrir la beauté cachée dans la répétition.

Dans un monde saturé d'images éphémères, Céline Frébault propose un art du temps long et de l'observation. Un art qui murmure plutôt qu'il ne crie, qui invite à la contemplation et nous reconnecte à l'essentiel.

Merci à elle pour cet échange !

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