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Eve Pinel : Quand la photographie de rue devient thérapeutique

À la rencontre de...

Mathilde Basse - 16 Octobre 2025

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Dans le paysage artistique parisien, certaines rencontres marquent par leur authenticité et leur sincérité. Eve Pinel fait partie de ces artistes qui transforment le quotidien urbain en poésie visuelle, utilisant son appareil photo comme un véritable exutoire thérapeutique. Installée dans le 11e arrondissement de Paris, cette photographe autodidacte a su faire de la mélancolie automnale sa signature artistique. Découvrez également nos œuvres photographiques qui célèbrent la diversité des regards contemporains.

• • • Un parcours atypique : de l'administration au Père-Lachaise 
Des débuts par hasard avec l'iPhone




L'histoire d'Eve Pinel avec la photographie commence de manière tout à fait fortuite. « J'ai pas fait d'école d'art à proprement parler, la photo est venue assez tard, en 2017 », confie-t-elle.



Photos d’Eve Pinel dans son atelier

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Son parcours initial l'avait menée vers l'administration, mais toujours dans le spectacle, elle était donc toujours plus ou moins avec des artistes.

Cette proximité constante avec le milieu artistique a sans doute préparé le terrain pour sa reconversion. La photographie s'est imposée à elle presque par accident : « J'ai commencé par hasard avec mon iPhone, comme souvent beaucoup de personnes. Sauf que là je suis tombée dans la marmite ». Cette expression populaire résume parfaitement l'intensité de sa passion naissante pour cet art.

C'est au cimetière du Père-Lachaise qu'Eve Pinel fait ses premières armes photographiques. Ce lieu emblématique de Paris, chargé d'histoire et de mélancolie, semble avoir été le déclencheur parfait pour une artiste qui puisera plus tard son inspiration dans l'atmosphère automnale parisienne.

Photos prises au cimetière Père-Lachaise : « Noire Corneille » et « Neige d’automne » d’Eve Pinel

Le prix coup de cœur qui change tout

Le tournant décisif arrive rapidement en 2019 : « J'ai gagné le concours de l'agence VU qui m'a permis de m'acheter mon premier appareil photo, dont je me sers toujours ».

Cette reconnaissance précoce valide non seulement son talent naissant, mais lui offre également les outils nécessaires pour développer sa pratique. Le fait qu'elle utilise encore aujourd'hui ce même appareil témoigne d'un attachement particulier à cet objet qui a marqué le début de sa carrière artistique.

Coup de coeur de l’agence VU’: Eve Pinel // Les lauréats qui posent devant les photos primées - Eve Pinel (coup de cœur) à droite

Les quartiers du 11e et 20e arrondissements


Le rapport d'Eve Pinel à Paris est profondément ancré dans son histoire personnelle. « Je suis née dans le 20e, j'y ai passé toute mon enfance et puis ma vie d'adulte dans le 11e », explique-t-elle. Cette connaissance intime des lieux transparaît dans son travail photographique.

L'est parisien constitue selon elle un terrain de prédilection pour la photographie de rue : «Il y a une vraie mixité. C'est vraiment des quartiers que je trouve sympas ». Cette diversité sociale et culturelle lui offre une richesse de sujets et d'ambiances qui nourrissent constamment sa créativité.

« Happy Hours » d’Eve Pinel

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• • • L'automne parisien : source d'inspiration mélancolique
La beauté des lumières d'automne

Si Eve Pinel excelle dans la photographie urbaine, c'est particulièrement pendant la saison automnale qu'elle trouve son inspiration la plus profonde. « Je suis beaucoup plus inspirée et créative en automne. J'ai beaucoup de mal avec l'été parce que ça m'oppresse », confie-t-elle.

Elle apprécie particulièrement les belles lumières automnales et considère, comme beaucoup de photographes, que cette saison offre des conditions idéales pour la photographie. Cette préférence pour les mois plus sombres révèle une personnalité artistique attirée par la mélancolie et l'introspection.

« Matière à réflexion » d’Eve Pinel

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Reflets et mélancolie comme signatures artistiques

L'univers visuel d'Eve Pinel se caractérise par une attention particulière aux éléments qui renforcent l'atmosphère mélancolique de ses images. Elle puise son inspiration dans « les belles lumières, les belles couleurs à Paris, la mélancolie de la pluie ». Ces derniers deviennent un élément récurrent de son travail, particulièrement « tout ce qui est reflet dans les flaques d'eau ». Ces détails urbains, souvent négligés par les passants pressés, deviennent sous son objectif des éléments poétiques qui transforment la banalité du quotidien en moments de beauté contemplative.

• • • La photographie comme échappatoire thérapeutique
Burn Out Diary : transformer la souffrance en art

L'aspect thérapeutique de la photographie prend une dimension particulièrement concrète dans le parcours d'Eve Pinel avec sa série « Burn-Out Diary ». Cette série, créée suite à l'épuisement professionnel qu'elle a vécu en 2023 et qui l'a amenée à quitter son association pour se consacrer uniquement à la photographie, transforme une période difficile en catalyseur créatif. « C'était comme une thérapie de faire ces photos », révèle-t-elle.

La série se caractérise par une approche technique particulière : des photographies prises à travers les vitres de bus sous la pluie. Cette technique crée un filtre naturel qui correspond parfaitement à l'état émotionnel de l'artiste à cette période, transformant l'expérience traumatisante en matière première artistique.

« Burn-out Diary » et « Drôle d’endroit pour une rencontre » d’Eve Pinel

En Face : l'obsession créatrice du quotidien



Parallèlement à « Burn-Out Diary », Eve Pinel développe une autre série emblématique : « En Face », commencée en 2023 et qu'elle considère comme jamais terminée. Le concept est d'une simplicité désarmante : photographier l'immeuble situé en face de chez elle depuis sa fenêtre de chambre, à différentes saisons et heures. Cette approche minimaliste révèle une obsession créatrice pour les variations infinies que peut offrir un sujet unique.

« Nocturne parisien d » de la série « En face » d’Eve Pinel

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Oeuvre de la série « En face » d’Eve Pinel // « Fenêtre sur cour » d'Eve Pinel

L'artiste avoue ne pas pouvoir s'empêcher de continuer cette série, photographiant dès qu'elle aperçoit quelque chose qui lui plaît, même quand elle pense avoir terminé. Cette compulsion s'explique par la capacité de concentration totale que procure l'acte photographique, devenant un refuge mental où les préoccupations quotidiennes s'effacent au profit de l'observation pure. Cette relation thérapeutique qu'entretient Eve Pinel avec la photographie transforme chaque prise de vue en moment de pleine conscience.

• • • Approche technique et philosophie de création 

Dans ses choix techniques, Eve Pinel privilégie résolument le numérique pour la liberté créative que cela lui procure. Cette liberté technique lui permet d'expérimenter et de développer son style personnel sans les contraintes du développement traditionnel.

La question de la lumière occupe une place centrale dans son processus créatif. Elle accorde une importance particulière à cet élément, même lorsqu'elle photographie sous la pluie - ce qui lui a valu le surnom affectueux de « grenouille » de la part d'un confrère photographe. Cette relation particulière à la lumière, même dans des conditions météorologiques difficiles, témoigne de sa recherche constante de l'authenticité.

Appareils photographiques d’Eve Pinel

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En matière de post-production, elle privilégie une approche naturelle et respectueuse de la réalité photographiée, se contentant généralement d'ajustements légers sur les lumières sans modification majeure. Cette philosophie minimaliste s'inscrit dans sa volonté de montrer « ce qui existe vraiment » plutôt que de transformer artificiellement ses prises de vue.






Pour la photographie de rue, Eve Pinel a développé une approche basée sur le respect et la discrétion, privilégiant une présence discrète sans se cacher, photographiant souvent les personnes dans les jeux d'ombres et de lumière pour préserver leur anonymat. Cette éthique photographique reflète sa personnalité bienveillante et son souci constant de préserver l'intimité des passants.


« En demie teinte » d’Eve Pinel

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Son approche créative se caractérise enfin par une grande spontanéité. Sans journée type, elle s'adapte aux conditions météorologiques et à son inspiration du moment, partant explorer la ville avec son appareil sans destination préétablie. Cette spontanéité devient un véritable mode de vie artistique qui lui permet de transformer les hasards du quotidien en opportunités photographiques.

• • • Influences artistiques 



L'univers artistique d'Eve Pinel ne se limite pas à la photographie. Ses inspirations puisent dans plusieurs arts : la musique, notamment celle de Benjamin Biolay, joue un rôle important dans son processus créatif. Cette association n'est pas anodine : la mélancolie caractéristique des compositions du chanteur trouve un écho naturel dans l'atmosphère automnale et contemplative de ses images.
Le cinéma constitue également une source d'inspiration majeure. Parmi les réalisateurs qui la marquent particulièrement, Darren Aronofsky et Park Chan Wook occupent une place de choix car « ils travaillent vraiment sur l'image et c'est ça qui m'inspire ».



Film de Darren Aronofsky

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La littérature, et plus particulièrement le roman noir avec des auteurs comme Thierry Jonquet et Pascal Garnier, nourrit également son travail. « J'aime bien le roman noir parce que ça a quelque chose de sombre, de noir et en même temps de lumineux ». Cette diversité d'influences crée une harmonie parfaite entre ses différents arts de prédilection, enrichissant constamment sa vision photographique.

• • • Sa collaboration avec The Art Cycle 

La collaboration d'Eve Pinel avec The Art Cycle, initiée en juin dernier, est encore récente mais déjà porteuse de belles perspectives. Elle apprécie particulièrement la dimension humaine de cette « entreprise à taille humaine », qui correspond parfaitement à sa personnalité d'artiste et à sa recherche d'authenticité dans les relations professionnelles

• • • Son univers artistique en trois mots 

Mélancolie, poésie et fragilité.

• • • Mot de la fin 

Le parcours d'Eve Pinel illustre magnifiquement qu'il n'existe pas une seule voie pour devenir artiste. Son cheminement, de l'administration du spectacle à la reconnaissance photographique, en passant par un burn-out transformé en catalyseur créatif, témoigne de la force de la passion authentique.

À travers ses déambulations dans les quartiers parisiens, ses séries thérapeutiques et sa quête permanente de sincérité, elle nous invite à redécouvrir la poésie du quotidien et la beauté mélancolique de nos villes. Son travail nous rappelle que l'art véritable naît souvent de la nécessité intérieure, de ce besoin vital de transformer l'émotion en création.

Dans une époque où l'image règne en maître, Eve Pinel nous offre un regard différent : celui d'une femme qui a fait de la photographie son refuge, sa thérapie et son moyen d'expression le plus sincère. Son message est clair : « être sincère, faire la photo qu'on a envie de faire ». Une leçon de vie autant qu'une philosophie artistique, portée par une artiste qui a su transformer ses fragilités en forces créatrices.

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