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Franck Nemni : entre émotion première et maîtrise technique, portrait d'un photographe humaniste

À la rencontre de

Mathilde Basse - 24 juillet 2025

Mobirise

Photographe passionné aux multiples casquettes, Franck Nemni navigue entre médecine, art et organisation de festivals photo. Inspiré par les grands maîtres humanistes et porté par une émotion brute, il saisit des instants d'une rare authenticité - que ce soit dans les rues de Paris, les paysages sauvages d'Islande ou face aux regards perçants de la faune de Yellowstone. 

À travers cet article, plongez dans l'univers d’un artiste singulier qui fait de la photographie un langage universel. Il y explore ses inspirations, ses techniques et sa vision de l'art comme forme de communication immédiate, presque primitive.

• • • Un parcours pluridisciplinaire : de la médecine à la photographie

Le parcours artistique de Franck Nemni débute dans l'adolescence, marqué par une révélation fondatrice.

"J'ai commencé jeune vers 12-13 ans grâce à un ami. Il m'a montré la magie de l’image qui apparaît dans le bain révélateur. Ce fut un émerveillement, une fascination. Et ça ne m’a plus jamais quitté", confie-t-il. 

Parallèlement à ses études de médecine, et à sa carrière de chirurgien qu'il exerce depuis 40 ans, la photographie est restée une passion indéfectible. Aujourd'hui président d'un festival de photo à Vincennes (le Vincennes Images Festival ), il conjugue ses casquettes d’artiste, de médecin et d’organisateur culturel avec la même ferveur.

Autodidacte dans l’âme, il revendique une approche libre et instinctive :

“Je n’ai pas de thème défini. Je fonctionne à l’émotion, à l’émerveillement, à la curiosité. Ça peut être en ville, dans la nature, en couleur ou en noir & blanc… C’est l’émotion qui me guide.”

«Busan» et «L’envol» de Franck Nemni

• • • Inspirations multiples : des maîtres humanistes à la musique classique
L'héritage des grands photographes

Comme beaucoup, il a d’abord déclenché sans trop réfléchir, avant que son regard ne s’affine au contact des maîtres. Salgado, Sabine Weiss, Cartier-Bresson… Les photographes humanistes ont profondément nourri son imaginaire. Il cite aussi Koudelka, Kenna, ou encore Daido Moriyama. Cette filiation transparaît dans son travail du portrait et du reportage, où l’humain occupe une place centrale.

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Photographie de Salgado / «Je suis un cheval » de Sabine Weiss / « Alicante » de Henri Cartier-Bresson

Quand la musique guide l'objectif


Mais ses inspirations dépassent largement la photographie.
“La musique fait voyager l’esprit. Devant un paysage grandiose, j’ai Vivaldi ou Bach en tête. Et parfois, quand monte une émotion, c’est le Boléro de Ravel…”

Autre terrain fertile : les musées.
“On y apprend beaucoup sur le cadrage, sur la lumière… Rembrandt, Magritte, Vermeer, tous m’inspirent à leur manière.”

« Le voleur de lumière » de Rembrandt

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• • • Processus créatif : l'improvisation comme méthode
L’instinct avant tout

“Il y a des photographes de studio qui mettent en scène, préparent tout… Moi, c’est l’inverse. Rien n’est planifié.”

Pour lui, la photo naît dans l’instant, entre le frisson et le déclic. Un réflexe émotionnel, sans réflexion ni préméditation.

“Ce sont des déambulations… Et soudain, une scène émeut. Alors, on déclenche.”

S’adapter au terrain




“En ville, je suis léger : un boîtier discret, souvent une focale fixe de 28 mm. En voyage, c’est autre chose : un sac de 15 à 20 kg, prêt à tout.”



Sac à dos pour transporter le matériel

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En animalier, il mise sur la technologie la plus avancée : autofocus ultra-rapide, détection de l’œil… Des outils qui changent la donne pour capter la vie sauvage.

Franck Nemni en action

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• • • Esthétique : couleur, noir & blanc, et justesse du traitement
Le sujet comme guide




Le choix entre couleur et monochrome n’est jamais gratuit :

“C’est le sujet qui décide. Pour un rendu intemporel, je vais vers le noir & blanc. Pour une émotion brute, surtout en nature, la couleur s’impose.”

« Corps à corps » de Franck Nemni

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Il travaille en RAW, pour garder un maximum d’informations, mais reste modeste en post-production.

“Les fichiers sont très bruts. Je fais le minimum pour restituer ce que j’ai ressenti. Il ne faut jamais trahir l’instant.”

Même exigence dans le choix du papier :
“J’aime le baryta. Il respecte la lumière, rend les matières… Il est fidèle à l’image.”


Franck Nemni en post-production

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• • • Thématiques : reflets urbains, intimité animale
L’eau comme métaphore

Les reflets occupent une place particulière dans son œuvre. "Le reflet, il image le sujet mais en même temps il le modifie, il le transforme. Ça crée comme un monde parallèle, un peu comme Alice devant son miroir qui rentre dans un monde parallèle."

Cette fascination pour les effets de miroir transcende leur simple fonction décorative pour devenir un véritable langage artistique. Franck Nemni utilise consciemment l'eau et les reflets comme outils créatifs pour brouiller les repères du spectateur et créer des ambiances particulières. Sa technique va même plus loin : il n'hésite pas à jouer avec les codes visuels en inversant parfois ses compositions, plaçant la partie aquatique en haut de l'image et la réalité "normale" en bas.


Cette inversion volontaire crée des effets visuels perturbants qui questionnent notre perception habituelle du monde. En bouleversant ainsi l'ordre naturel des choses, il invite le spectateur à reconsidérer sa relation à la réalité et à s'immerger dans cet univers onirique où les frontières entre le réel et son reflet s'estompent.

« Le glacier » de Franck Nemni

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Géométrie et solitude

En ville, la rigueur des lignes met en lumière la fragilité humaine.

“J’essaie de montrer la solitude dans la foule, l’humain minuscule dans l’architecture. La ville est forte, mais l’homme y paraît vulnérable.”

Une approche éthique de l’animalier

Sa pratique animalière privilégie le respect et la patience. Franck Nemni adopte une approche éthique qui repose sur la prudence et l'accompagnement systématique par des guides locaux ou des rangers qui connaissent parfaitement la région et le comportement des animaux. Ces approches se font toujours de manière très progressive, en privilégiant la discrétion absolue.


« Guanaco » de Franck Nemni

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Contrairement à de nombreux photographes animaliers qui passent des heures dans des affûts, il revendique une méthode basée sur l'émotion et l'instinct. Son objectif est double : soit se rendre totalement invisible, soit être progressivement accepté par l'animal dans son environnement naturel. Cette acceptation mutuelle permet alors de travailler sans que l'animal s'enfuit, créant des conditions idéales pour capturer des moments authentiques.

« Câlin des zèbres » de Franck Nemni

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Son approche transcende le simple documentaire animalier. Plutôt que de rechercher systématiquement le gros plan spectaculaire, il privilégie l'intégration de l'animal dans son écosystème, créant des images l'ambiance et le décor jouent un rôle aussi important que le sujet principal. Cette philosophie lui permet de révéler la personnalité de chaque animal et de saisir ces parallèles troublants avec l'humanité : la tendresse, la violence, les rapports de domination.

« Spatules » de Franck Nemni

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• • • Yellowstone et autres territoires de photographie

Parmi ses voyages les plus marquants, l'expérience hivernale de Yellowstone occupe une place particulière :

“Yellowstone en hiver. -30°C, des heures d’attente dans un silence absolu… Et puis soudain, une meute de loups qui hurle. Un moment viscéral, qui prend aux tripes.”



Il évoque aussi l’Islande, le Japon… Chacun offrant une vibration particulière, un dialogue entre nature et regard.



« Terre d’Islande » de Franck Nemni

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• • • Une photographie en évolution
Avec le temps, son regard change

“Avant, je voulais faire de belles photos. Aujourd’hui, je cherche à transmettre une émotion vraie. Un ressenti.”

La photo devient alors langage.

“C’est aussi vital que parler. Ça permet d’exprimer ce qui ne passe pas par les mots.”

La photographie comme langage universel

Pour Franck, la photographie transcende le simple médium artistique. "Je dirais que c'est pour moi aussi essentiel que de parler. C'est une communication primaire, c'est ce qui permet de se relier au monde, d'échanger, d'exprimer des choses qui parfois en parole ne sont pas évidentes à sortir."

Son objectif artistique se résume à la transmission d'une émotion authentique : "Lorsque je présente une photo, c'est pour moi qu'elle a un certain sens et qu'elle développe une émotion primaire presque animale. C'est ça que j'espère transmettre: c'est que le spectateur ressente d'abord quelque chose en voyant la photo."

• • • Son univers en 3 mots

Introspection, lumière et émotions.

• • • Collaboration avec The Art Cycle

Julie, la fondatrice, connaissait mon fils. Elle a été la première à me proposer d’exposer mes images. Jusque-là, elles restaient dans mon cercle intime. Ça a été une vraie libération. Une forme de psychanalyse artistique.”

• • • Le mot de la fin

Franck Nemni incarne une génération de photographes humanistes, à la croisée des mondes. Médecin, artiste et organisateur de festival photo, il pose sur le monde un regard profondément sensible.

À travers ses images, il nous invite à ralentir, à ressentir, à regarder vraiment. Et surtout, à renouer avec cette part de nous-mêmes qui vibre encore face à la beauté d’un instant suspendu.

Merci à lui pour cet échange.

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