Mathilde Basse - 21 Juillet 2025
Ancien journaliste et entrepreneur reconverti dans l'art numérique, Pascal Maupas incarne un parcours artistique singulier qui traverse les époques et les disciplines.
Formé aux Beaux-Arts de Paris dans les années 80, cet artiste visuel a su transformer une longue parenthèse professionnelle en richesse créative. Aujourd'hui, il développe un univers où se mêlent "temps, mémoire, couleur", créant des dialogues inattendus entre les icônes du passé et l'architecture contemporaine.
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Pascal Maupas a suivi une formation aux Beaux-Arts de Paris dans les années 80, période fondatrice qui a nourri sa sensibilité artistique. Cependant, une grave maladie aux yeux l'a contraint à interrompre son activité artistique. "J'ai dû mettre l'art de côté pendant longtemps", explique-t-il. Cette interruption forcée l'a mené vers d'autres horizons professionnels : d'abord le journalisme, puis l'entrepreneuriat, pendant plusieurs décennies.
"J'y suis revenu dans les années 90, puis de façon plus intense depuis 2022", précise-t-il. Cette longue expérience professionnelle, loin d'être une rupture, s'est révélée être un enrichissement pour son regard d'artiste. "Le journalisme m'a appris à creuser, à chercher le sens. L'entrepreneuriat m'a appris à évaluer, à décider. Aujourd'hui, mon regard d'artiste, c'est un mélange d'analyse, de sensibilité… et de liberté !"
Le véritable tournant s'est opéré récemment, en 2022 : "J'ai travaillé toute ma vie. Et un jour, j'ai eu, enfin, du temps pour moi, c’est le bien le plus précieux. J'ai ressenti un appel, et le besoin de créer est revenu. À ce moment, j'ai su que c'était ça que je voulais vraiment faire et le faire à fond !" Cette renaissance créative témoigne d'une vocation profonde qui ne s'est jamais éteinte.
Dans une première phase, Pascal Maupas a développé une approche créative qui mêlait spontanéité et recherche de maîtrise technique. "Je partais souvent d'une image qui m'attirait : une photo que j'avais prise, trouvée, ou redécouverte dans mes archives. Parfois, c’était juste un détail", décrit-il.
Son processus s'articule alors autour d'une transformation progressive de l'image source :
"Je la regardais, je la décomposais, je la transformais entièrement. Parfois c’était très lent, parfois instinctif. Il y avait toujours un moment où l'image basculait, où elle devenait autre. C’était ce moment que je cherchais", explique-t-il. Cette quête du basculement révèle une approche sensible où l'artiste laisse l'œuvre se révéler à lui.
Pascal Maupas travaille exclusivement sur ordinateur, utilisant des outils qu'il a choisis pour leurs possibilités et leur accessibilité.
"Je travaille sur ordinateur, avec un logiciel open source (contributif) qui s'appelle Paint.net. Aussi puissant que Photoshop, mais gratuit et évolutif !", précise-t-il. Il utilise également une tablette graphique toute simple, pour peindre et travailler au pixel près.
Cette approche minimaliste révèle sa philosophie créative : "Je n'ai pas besoin de beaucoup d'outils. Ce qu'il me faut, c'est du temps, mes playlists de musique… et un regard attentif", ajoute-t-il. Cette simplicité apparente, témoignant de sa volonté d'accessibilité, cache une maîtrise technique qui lui permet d'explorer des effets visuels sophistiqués.
Pascal Maupas en post-production
Pascal Maupas s'inspire des grands maîtres qui ont su transformer le réel. Il admire particulièrement les artistes qui métamorphosent le réel, dans une forme de corps à corps avec la forme : Goya, Cézanne, Bacon, Staël, Saura... Ces références révèlent son goût pour les artistes qui ont su dépasser la simple représentation.
"Saturne dévorant un de ses fils" de Goya, 1923/ "Selfportrait" de Francis Bacon, 1969
Une mention particulière pour Antonio Saura (décédé à la fin des années 90) : “C’est un peintre majeur pour moi. J'ai eu le plaisir de connaître et de le côtoyer. Il m’a appris à puiser dans la force des œuvres du passé et, en même temps, à oser s’y confronter. Lui, il l’a fait dans une sorte de férocité inédite.”
"Hommage à Dora Maar 2" de Antonio Saura, 1986
Au-delà de la peinture, Pascal Maupas puise dans la photographie contemporaine.
Il cite deux artistes majeurs dans ce domaine : Saul Leiter, artiste américain qui a été l'un des tout premiers à utiliser la couleur en photographie de rue, "avec ses couleurs, ses flous, ses compositions incroyables" ; et Valérie Belin, photographe française contemporaine. "Elle fait un travail extraordinaire, notamment avec des superpositions de comics sur des portraits de femmes".
"A New York taxi in wintertime" de Saul Leiter, 1961 / "Miss Marvel" de Valérie Belin, 2016
Le travail actuel de Pascal Maupas puise dans une fascination profonde pour certaines œuvres du passé, qu’il revisite à sa manière. “Ces icônes du passé portent des questions éternelles : l'humanité, l'amour, la mort, le pouvoir, la brièveté de la vie", explique-t-il. Cette passion lui vient de son environnement familial : "J'ai eu la chance d'être baigné grâce à ma mère et à sa famille, dans l'histoire de la peinture."
L'artiste s'inspire particulièrement des tableaux de vanités du 17e siècle, ces œuvres qui représentent des objets qui rappellent notre condition mortelle. "À partir de ces tableaux de vanités, j'en fais des remix contemporains. C'est-à-dire que dans mes tableaux de vanités d'aujourd'hui, il y a des bitcoins, il y a des sneakers de collection, il y a des lingots d'or, toutes sortes de symboles autour des objets du désir. Et bien sûr, il y a des crânes,", explique-t-il.
"Vanité, nature morte avec un crâne, un livre et des roses " de Jan Davidsz. de Heem, XVIIe siècle / "Vanité #1" de Pascal Maupas, 2025
La série "Remix d'icônes" constitue l'une des créations les plus emblématiques de Pascal Maupas. L'artiste intègre des œuvres anciennes à l'architecture contemporaine, pour montrer que ces icônes du passé, souvent perçues comme poussiéreuses dans les musées, portent en elles des questions essentielles, d’une actualité poignante.
"Sorties du musée et introduites dans ces architectures contemporaines, photographiées par Fred Guillaud, elles respirent, elles pétillent, elles explosent de modernité. Elles nous parlent."
Le choix de l'œuvre à intégrer s'avère primordial pour Pascal Maupas. L'artiste puise dans sa mémoire visuelle, parmi toutes les œuvres découvertes pendant ses études aux Beaux-Arts. Il donne l'exemple du "Triomphe de Bacchus" de Caravage, qu'il affectionne particulièrement. Ce choix minutieux crée un dialogue et une résonance visuelle entre l'œuvre classique et l'architecture contemporaine.
"Saint François, de Zurbaran - Remix et Le Triomphe de Bacchus, de Vélasquez - Remix" de Pascal Maupas, 2025
Au-delà des références artistiques classiques, Pascal Maupas développe une réflexion sur notre époque contemporaine. "J'aime aussi explorer les traces humaines : les paysages transformés, et les travailleurs invisibles, ceux qui font exister tout ce qui rend nos vies modernes possibles, du quotidien au confort. Derrière chaque objet, chaque trajet, il y a une chaîne humaine et logistique qu'on ne voit jamais."
Cette sensibilité sociale se matérialise dans sa série "Pixels voyageurs". "La série Pixels voyageurs se situe entre esthétique, vie quotidienne et géopolitique. Depuis toujours, je vois dans la logistique : les camions, les conteneurs, les wagons de marchandises, des sujets plastiques et colorés très forts", explique-t-il.
L'artiste utilise l'art pour révéler les fragilités de notre monde interconnecté. "Il suffit qu'un dérèglement survienne, comme les attaques des Houthis en mer Rouge”, et tout vacille. Le coût du transport maritime bondit de 60 %, et on le paie tous… à la caisse du supermarché", analyse-t-il. "J'ai matérialisé ces bouleversements par des fractures qui traversent mes images… et qui troublent le regard", révèle-t-il, montrant comment il transpose les tensions géopolitiques dans son langage visuel.
"Wagons de marchandises" et "Camions et conteneurs" de Pascal Maupas, 2025
La série Paysages mosaïques explore la transformation des paysages par l'homme. Jeune adulte, Pascal Maupas était captivé par les paysages du Béarn, de la Drôme et par les marais salants. Aujourd'hui, grâce aux drones, les vues aériennes révèlent des compositions superbes, presque abstraites, où se lisent la géométrie mais aussi les frontières, les usages et les tensions.
L'artiste donne l'exemple d'un étang salé dans la Baie de San Francisco aux formes naturellement grises et bleutées qu'il a entièrement transformées en rouge, s'inspirant de Matisse. "Par la couleur, je veux révéler cette esthétique… et cette empreinte humaine : l'organisation des champs, des bassins, des lignes", explique-t-il.
"Champ #8" de Pascal Maupas, 2023 / "Champ de maïs revisité" de Pascal Maupas, 2024
Pascal Maupas entretient une relation particulière avec l'univers marin dans l'une de ses toutes premières séries. Depuis l'enfance, cet univers infini, mouvant et insaisissable le fascine par ses formes étranges et ses couleurs. Il apprécie particulièrement le bruit de ressac qui berce et apaise.
"Octopus Rêverie" de Pascal Maupas, 2024
Cette fascination s'accompagne d'une conscience aiguë des dangers, forgée par une expérience personnelle traumatisante sur la côte basque où il a failli mourir emporté par les courants. L'artiste a consacré une série aux pieuvres, "des animaux extrêmement intelligents, capables d'adapter leur apparence aux couleurs et aux textures de leur environnement en une fraction de seconde. Certaines espèces peuvent même se défendre… et tuer un humain en une fraction de seconde aussi. Fascinant", révèle-t-il.
"Le monde marin apaise… et inquiète. Il me parle autant par sa beauté que par son mystère, et ses dangers", résume-t-il.
"Octopus" de Pascal Maupas, 2024
Pascal Maupas a récemment franchi une étape importante dans sa recherche technique grâce à une révélation artistique. Lors d'une visite de la rétrospective Marc Rothko à Paris, il a compris que ce grand maître, "lorsqu'il fait des fonds rectangulaires superposés, les jointures entre ces grands rectangles ne sont jamais complètement nettes, que le contour reste un petit peu flou, un peu incertain".
"Orange and Yellow" de Mark Rothko, 1956
Cette découverte l'a inspiré dans sa propre démarche : "Au plan technique, j'explore en ce moment un travail de flou et de cristallisation, pour donner à certaines formes des contours indécis, incertains. Ça crée plus de vibrations, et d'avantage de liberté pour le regardeur", explique-t-il.
L'évolution artistique de Pascal Maupas tend parallèlement vers une épuration progressive. Au plan artistique, il cherche de plus en plus à simplifier. Au début, il voulait tout dire, avec trop de strates et trop de signes.
L'un des défis majeurs de l'art numérique réside dans sa matérialisation. Contrairement à la peinture à l'huile qu'il pratiquait aux Beaux-Arts, "les images numériques n'ont pas de matière. Pour leur donner une présence, une densité, je fais réaliser mes tirages en impression pigmentaire, dans un labo réputé", explique Pascal Maupas.
"L'impression sur papier Canson de haute qualité donne des couleurs profondes et un rendu incomparable. À la demande, je monte ces tirages sur Dibond (support rigide en aluminium) puis je les fais encadrer dans une caisse américaine pour les mettre encore plus en valeur", précise-t-il.
Temps, mémoire et couleur.
Pascal Maupas a rejoint The Art Cycle en 2023, une collaboration qui lui a apporté de nouvelles opportunités : visibilité commerciale, présence en ligne en complément d'Instagram, et la participation à une exposition collective à Paris.
"J'ai particulièrement apprécié le dynamisme et la créativité de l'équipe : le défilé dans les rues, les ateliers de live painting de l’exposition ”… Et puis découvrir les autres artistes de l'expo a été très enrichissant".
Pascal Maupas incarne l'artiste contemporain qui sait faire dialoguer les époques. Son parcours atypique, de journaliste à entrepreneur puis à créateur d'images numériques, nourrit un regard unique sur notre époque. À travers ses séries "Remix d'icônes", "Paysages mosaïques", "Today's Vanities" ou "Pixels voyageurs", il révèle les connexions invisibles entre passé et présent, entre art et société.
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Merci à lui pour cet échange !
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