Mathilde Basse - 24 Avril 2025
Si la toile fige le geste, le cinéma, lui, fait parler l’artiste. Cette semaine, The Art Cycle vous emmène dans un voyage sensoriel et visuel, à la croisée des arts plastiques et du 7e art. À travers 6 biopics marquants, tournés entre les années 1950 et 2014, partez à la découverte d’univers intimes, de doutes créateurs, de moments de grâce ou de chute. Ces films ne se contentent pas d’illustrer une œuvre : ils font vibrer l’acte de créer.
Ce grand classique du cinéma hollywoodien, adapté du roman “La Vie de Van Gogh“ d’Irving Stone, retrace avec intensité la trajectoire de l’un des peintres les plus tourmentés de l’histoire. Kirk Douglas incarne un Van Gogh brûlant de solitude, d’angoisse et de passion, depuis son passage dans le Borinage jusqu’à sa mort à Auvers-sur-Oise.
Extrait du film : La Vie passionnée de Vincent van Gogh
La mise en scène est un hommage vibrant aux couleurs vives et aux formes tourmentées de ses œuvres. On y retrouve les toiles iconiques : “Les Tournesols”, “La Nuit étoilée”, “La Chambre à coucher” ou encore “Autoportrait à l’oreille bandée”.
Un film fondateur qui explore la frontière ténue entre génie créatif et souffrance mentale.
La Nuit étoilée de Vincent Van Gogh / Les Tournesols de Vincent Van Gogh
Réalisateur : Peter Watkins
Artiste : Edvard Munch
Acteurs principaux : Geir Westby, Eric Allum, Gro Fraas
Affiche du film : La danse de la vie
Tourné comme un faux documentaire, ce film rare et fascinant plonge dans la psyché du peintre norvégien Edvard Munch, auteur du célèbre “Cri”. Peter Watkins y adopte une approche immersive, mêlant voix off, interviews fictives et reconstitutions historiques, pour brosser un portrait sensoriel et fragmenté de l’artiste.
Extraits du film : Edvard Munch, la danse de la vie
On y découvre les obsessions de Munch : la maladie, la mort, la sexualité, la religion, autant de thèmes qui irriguent sa peinture. Le film, radical dans sa forme, reflète l’expérimentation et l’angoisse existentielle du peintre, dont chaque toile semble extraite d’un rêve ou d’un cauchemar.
Ed Harris incarne avec intensité le peintre star de l’expressionnisme abstrait, figure du New York des années 1950. À travers un récit tendu et rythmé, Ed Harris explore la vie chaotique de l’artiste : ses excès, sa quête de reconnaissance, sa relation fusionnelle avec Lee Krasner.
Extrait du film : Pollock
Les scènes oubliables : la caméra suit le pinceau au sol, capte le goutte-à-goutte du dripping, la gestuelle furieuse de Pollock. On y voit prendre forme “Convergence”, “Autumn Rhythm”, ou “Blue Poles”.
Un film qui traduit la peinture en matière cinématographique, et révèle comment l’acte de peindre peut devenir une bataille intérieure.
Pollock utilisant la technique du dripping
Sorti en 2002, Frida, réalisé par Julie Taymor, retrace la vie intense et tourmentée de Frida Kahlo, peintre mexicaine devenue icône mondiale. Interprétée avec passion par Salma Hayek, Frida y est présentée comme une femme libre, engagée et profondément marquée par la douleur physique et émotionnelle.
Le film s’attarde sur les grands moments de sa vie : son accident de tramway qui bouleverse son destin, sa relation complexe avec Diego Rivera, ses engagements politiques, sa bisexualité, ses séjours aux États-Unis, mais aussi son combat permanent contre la souffrance. Chaque événement personnel trouve un écho direct dans son art.
Extraits du film : Frida
La grande force du film réside dans sa mise en scène visuelle, en particulier dans la façon dont les tableaux de Frida prennent vie à l’écran. Julie Taymor intègre ses œuvres de manière inventive : certaines scènes commencent en peinture, puis les personnages s’animent dans le décor, comme si l’on entrait littéralement dans les toiles. Parmi les œuvres présentes dans le film, on reconnaît : “Les Deux Fridas”, “La Colonne brisée”, “Autoportrait aux cheveux coupés et Henry Ford Hospital”.
Ces moments de transition picturale permettent au spectateur de ressentir la fusion entre la vie de Frida et son œuvre, entre son corps meurtri et sa force d’expression. Le film ne montre pas seulement une artiste, mais une femme qui utilise la peinture comme outil de survie et d’affirmation de soi.
Récompensé par deux Oscars (meilleurs décors et meilleure musique), Frida est un film fort, poétique et sensoriel, fidèle à l’univers de Kahlo, où chaque image semble porter une charge émotionnelle profonde. Un hommage à une artiste qui a transformé sa souffrance en art.
“ Les deux Fridas ” de Frida Kahlo
Dans un registre plus intime, Tim Burton signe avec Big Eyes un film centré sur la reconnaissance artistique et l’injustice vécue par une femme artiste. Margaret Keane, connue pour ses enfants aux grands yeux tristes, voit son travail exploité pendant des années par son mari, Walter, qui signe ses tableaux à sa place.
Extraits du film : Big Eyes
Le film explore avec finesse les mécanismes de domination dans le milieu artistique. Amy Adams incarne une Margaret réservée mais déterminée, qui finira par reconquérir son nom et sa voix. On y découvre les œuvres phares : “Sad Eye Girl”, “The First Grail”, “The Stray”…
Une réflexion douce-amère sur le rapport entre l’identité et la signature, entre art et pouvoir.
Sad Eye Girl de Margaret Keane
Mr. Turner explore les vingt dernières années du peintre britannique, maître de la lumière et des paysages marins. Dans une atmosphère contemplative, le film rend hommage à ses tableaux nébuleux et vibrants, tout en dévoilant un homme solitaire, râleur, mystérieux.
Extraits du film : Mr. Turner
Chaque plan est une œuvre picturale en soi. On reconnaît des toiles mythiques : “Pluie, vapeur et vitesse”, “Le Port de Calais”, “L’Incendie des Chambres du Parlement”, “La Dernière traversée du Téméraire.”
À travers une mise en scène lente et nuancée, Mike Leigh capture l’essence du regard de Turner, entre poésie de la lumière et tumulte intérieur.
“Pluie, vapeur et vitesse” de Joseph Malord William Turner
Ces six biopics offrent bien plus qu’un simple regard sur la vie d’artistes iconiques : ils prolongent leurs œuvres en leur donnant souffle, voix, chair. Qu’il s’agisse des tourments de Van Gogh, des luttes de Frida Kahlo ou de l’élan gestuel de Pollock, chaque film révèle ce qui se cache derrière le geste artistique : des blessures, des convictions, des silences, des fulgurances.
À travers ce voyage entre peinture et pellicule, on redécouvre l’art comme expérience sensible, parfois douloureuse, toujours humaine. Et peut-être, en sortant de ces films, regardera-t-on les œuvres différemment.
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